À partir de la problématique générale, l’université d’été proposera les pistes de réflexion suivantes :
- Transmettre et interroger le sacré
La littérature vient-elle, du point de vue anthropologique, combler un besoin de sacré dans une communauté donnée ? Quelle place tient la quête d’absolu (indépendamment de la question du divin) dans la littérature ? En d’autres termes, peut-on dire que la littérature est vouée au sacré ? La question doit être posée à plusieurs échelles, individuelle et collective.
La littérature peut jouer un rôle de transmission de valeurs et de modèles religieux, mais elle a aussi pour fonction de questionner les dogmes, les croyances et les pratiques.
- Métamorphoses du sacré
Selon quelles modalités se fait cette écriture du sacré ? Dans quelle mesure l’œuvre est-elle dépositaire du sacré, et de quel sacré (religieux, national…) parle-t-on ? Comment est-il traduit, par quels thèmes, motifs, figures, images, formes littéraires, schémas rhétoriques ? S’agit-il d’une esthétique lisible, identifiable ?
Cet axe de réflexion devrait permettre de définir d’éventuels modèles, par la suite imités, transposés, détournés. Comment les traductions littéraires du sacré évoluent-elles, aussi bien de façon synchronique (d’une œuvre à l’autre, d’un auteur à l’autre, d’un genre à l’autre, d’un médium à l’autre) que diachronique ? Ces métamorphoses constituent-elles un phénomène observable au cours des siècles, ou se sont-elles accentuées plus récemment ? Quelle forme le sacré prend-il notamment quand il se distingue du religieux, ou quand le religieux est en crise ? Comment l’identifier en tant que sacré ?
- Inspiration, vocation de l’auteur et sacralité de l’œuvre
Quel rôle joue en littérature, et pour l’écrivain, le modèle religieux du Livre sacré, de la Parole sacrée ? En quoi ce modèle conditionne-t-il la représentation de l’auteur et de l’œuvre ? Comment est conçue l’inspiration poétique ? Quels sont les vecteurs du sacré (Muses, chaîne platonicienne …) ?
Par ailleurs, certaines modalités de création collective (Oulipo, interactions numériques) remettent en question le caractère sacré de l’auteur.
En quoi le modèle d’une parole révélée permet-il de penser la sacralité d’une langue littéraire, en particulier dans ses rapports à la traduction : qu’est-ce qu’une langue sacrée ? Est-elle traduisible ?
- Irrévérence de la littérature
Si la littérature peut être appelée à servir la cause du sacré, il peut inversement s’y opérer une entreprise de désacralisation des modèles établis et hérités (modèles littéraires, religieux, politiques, linguistiques…). Cette désacralisation est-elle synonyme de profanation ? Accompagne-t-elle le processus de conquête d’autonomie de l’œuvre d’art, le désir de se défaire de toute tutelle pour affirmer une liberté ?
Faut-il imposer des limites à la profanation, en particulier à la désacralisation qui s’opère par le rire, sachant que le rire peut en lui-même relever du sacré ?