Les sociétés humaines peuvent-elles se passer de sacré ? Si la question peut sembler provocatrice, c’est pour partie en raison d’une équivoque terminologique, où « sacré » et « religieux » tendent à se confondre. Or, si le religieux suppose le sacré, l’inverse n’est pas vrai. Cette question du sacré doit donc être pensée à la fois dans son rapport à la religion, et dans ses autres expressions, au nombre desquelles la littérature. S’interroger sur la littérature dans son rapport au sacré, c’est réfléchir aussi bien à la nature et la finalité de l’œuvre littéraire, d’un point de vue théorique et poétique, qu’à la figure de l’écrivain, dans une perspective historique et sociologique.
Nous nous proposons donc, au cours de cette Université d’été, de placer la question du sacré au cœur de notre réflexion afin d’éclairer le fait littéraire, et ce dans une perspective chronologique longue, prenant sa source dans l’Antiquité. Se pose par exemple la question de la réception et de la christianisation de l’héritage païen, ou encore celle de l’invention de genres et de formes spécifiquement chrétiens. Au contraire, la sécularisation progressive de la société européenne entraîne-t-elle une évacuation du sacré, dans la mesure où les communautés nationales en construction ont substitué au sacré religieux un sacré laïque, profane, à travers notamment le fameux « sacre de l’écrivain » aux XVIIIe et XIXe siècles ? Au XXe siècle le sacré a fait l’objet d’une théorisation abondante, et un certain nombre de recherches ont été menées sur la survie de ses traces dans la littérature, même après la mort de Dieu nietzschéenne et les apocalypses du siècle. On assiste actuellement à un retour du religieux : entraîne-t-il un retour du sacré en littérature ?
Il s’agira d’étudier le rôle de la littérature dans les processus de sacralisation, mais aussi sa fonction désacralisante. Seront notamment prises en compte les métamorphoses du sacré, les limites imposées à la profanation littéraire et les tensions entre profane et sacré.